Le port vendéen est bloqué depuis dix jours par les marins qui protestent contre la troisième année consécutive de fermeture de la pêche
«Anchois fini, Saint-Gilles aussi ! » La banderole flotte, accrochée aux grilles bordant la voie ferrée. Avis aux touristes qui sortent de la gare : la station balnéaire de Vendée est aussi un port de pêche… en effervescence ces jours-ci. « C’est au-delà de l’inquiétude. À ce stade, on est en colère », affirme Katia Artèche, femme de matelot qui participe chaque fois qu’elle le peut aux actions des gens de mer.
Ces dernières ont débuté le 1er juillet. La veille, les marins de Saint-Gilles-Croix-de-Vie apprenaient que les experts scientifiques européens préconisaient une nouvelle période de fermeture de la pêche à l’anchois, après celles de 2005 et 2006.
« Ça fait trois ans qu’on ne peut pas y aller ! Vous imaginez le travail lorsque pour un embarquement, l’anchois représente 60 à 80 % du chiffre d’affaires annuel ! », tempête Éric Fouquet, patron pêcheur, tout en lançant des palets au pied du feu de Croix de Vie – il faut bien tuer le temps pendant que l’on veille sur le filin tendu en travers du chenal.
La pêche à l'anchois, c'est l'identité du pays
Toute tentative d’entrée ou de sortie du port est rendue impossible. Les touristes qui comptaient prendre ici le bateau pour l’île d’Yeu devront changer d’itinéraire. « L’anchois, c’est notre spécialité, continue Éric Fouquet. Nous sommes le seul port vendéen à le pêcher dans le golfe de Gascogne. Aux Sables-d’Olonne aussi, ils font le blocus, mais c’est pour réclamer une baisse du gazole. Ça nous concerne également : le litre détaxé pour la pêche est passé en un an de 0,27 € à 0,47 €. »
Mais le principal problème reste l’anchois. Cette quête au poisson bleu se confond avec l’identité du port. C’est le « grand métier », comme on dit ici pour le différencier des autres pratiques : pêche au casier, à la ligne, au filet, sur des bateaux plus petits.
« On fait aussi la sardine, mais depuis les années 1980, on s’est progressivement équipés pour la pêche pélagique à l’anchois. Beaucoup n’ont pas fini de payer le bateau et actuellement, ils raclent les fonds de tiroir », atteste Yves Achallé, lui-même patron d’un chalutier de 20 mètres, le Flibustier.
Aucun pêcheur ne croit à l'analyse de Bruxelles
La baisse de la ressource dans le golfe, les pêcheurs ne la démentent pas. « C’est vrai qu’à une époque, on pouvait ramener sept ou huit tonnes par jour. Puis, juste avant 2005, on était rendu à une tonne, mais on la vendait bien plus cher ! Les cours montaient, ça payait le bateau, les matelots. On gagnait notre vie », se souvient Éric Fouquet.
Dans le même temps, ni lui ni ses collègues ne croient à l’analyse des experts de Bruxelles. « La ressource s’est reconstituée, les scientifiques sont les premiers à le dire. La biomasse (1) atteint 31 000 tonnes, ce serait suffisant pour de petits quotas ! D’ailleurs, les anchois ne vivent que trois ans : si on ne pêche pas les adultes, ils vont mourir de toute façon. »
Dans l’espoir d’obtenir un peu de lest, la profession maintient la pression. Opération escargot aux péages autoroutiers, rassemblement devant la sous-préfecture des Sables-d’Olonne, défilé vendredi 6 juillet dans une ville aux rideaux de fer baissés en guise de solidarité.
« Les gens nous comprennent. Certains viennent ici, sur la digue, nous apporter le café, souffle Alain Compère, matelot depuis trente ans. Nous ne sommes plus que 150 marins à Saint-Gilles, mais un homme qui va à la mer, c’est trois emplois directs à terre et bien d’autres induits. »
"Les jeunes préfèrent aller chez Bénétaux"
Pour combien de temps ? À Saint-Gilles-Croix-de-Vie comme à la Turballe (Loire-Atlantique) et dans la plupart des ports français, la relève ne suit guère. « J’ai trois garçons, je ne les ai pas vus grandir, raconte Alain Compère. Les deux aînés ont fait quelques marées, mais ils ont vite compris. Pas de revenus réguliers, pas de vie de famille… Les jeunes préfèrent aller chez Bénéteau. »
Le chantier nautique leader mondial de la voile fait en effet travailler 4 200 personnes en Vendée et notamment à Saint-Gilles, son fief historique.
Si les jeunes tournent le dos au métier, les plus vieux peuvent difficilement se reconvertir. La plupart des patrons pêcheurs sont en effet financièrement contraints par leurs remboursements d’emprunts liés aux bateaux.
Une reconversion serait "extrêment compliquée"
La situation risque d’être de moins en moins tenable, après ces années successives de fermeture de l’anchois. « Même si on finit par obtenir de petits quotas, il restera difficile d’attirer un équipage, explique Yves Achallé. Ceux qui ont trouvé un emploi à terre ne vont pas le lâcher pour une campagne de pêche de tout au plus un mois. On l’a vu avec le thon. Notre quota de thon rouge, on l’avait plié en quinze jours. »
Quant à se reconvertir vers d’autres pêches, « c’est extrêmement compliqué, poursuit-il. Les espèces qui se vendent bien, comme la langoustine ou la sole, sont elles aussi soumises à des quotas. Chaque année, ceux-ci sont répartis entre les ports aux organisations de producteurs (OP), en fonction des prises de l’année précédente. Notre OP ne peut du jour au lendemain doubler son tonnage sur telle ou telle espèce. »
À Saint-Gilles, chacun sait que, lorsque le filin d’acier n’entravera plus l’entrée du port, tout ne sera pas réglé pour autant. Les quotas reviendront et les hivers difficiles aussi. « Pourtant, nos hommes tiennent à leur métier », assure Katia Artèche.
(1) La biomasse s’entend ici comme la quantité de poissons adultes, en âge se reproduire.
Source texte :
La CroixLe voici le fameux poisson si cher à nos marins...et si apprécié de nos papilles !
ANCHOIS
Engraulis enchrasicolus
Anglais: Anchovy
Néerlandais: Ansjovis
Espagnol: Anchoa
Italien: Acciuga
Allemand: Sardellen
Danois et norvégien: Ansjos
L'anchois un aliment complet et sain...
De par son origine et sa préparation, l'anchois est le produit bio par excellence. L'anchois est un produit riche en calcium, en vitamine D qui donne de l'énergie et en huile omega 3 qui régule le cholestérol.
Quelques recettes d'anchois...
L'anchois au sel
Après étêtage, éviscérage et nettoyage, les anchois sont mis à dégorger en pots de grès ou de verre avec du sel marin fin pendant 3 jours. On les remet ensuite dans des fûts en couches alternées - anchois-sel - rangés en couronne, tête-bêche, le ventre tourné vers le bas, en veillant à ce qu'aucune bulle d'air ne soit emprisonnée, enfin le sel, puis la saumure les recouvre entièrement. Les anchois sont pressés et mis en maturation pendant plusieurs mois, et régulièrement on retire la graisse qui surnage. Lorsque le maître saleur juge que le goût et le parfum ont atteint leur développement, les anchois sont prêts à être consommés. Ils sont alors déposés à la main dans les bocaux de verre et fermés sous vide.
Les filets d'anchois à l'huile
Après le processus de maturation décrit ci-dessus, les anchois sont dessalés dans plusieurs bains successifs à température variable. Ils sont ensuite essorés, filetés et mis en bocal à la main avec une couverture d'huile végétale ou d'huile d'olive biologique extra vierge suivant le choix proposé au consommateur.
L'anchois et ses différentes préparations
L'anchois se prépare également au vinaigre, à la sauce piquante, roulé aux câpres ou sur poivrons et en brochettes avec des olives.
L'anchois mariné
Les filets sont marinés naturellement dans l'huile et aromatisés pour une saveur douce ou forte selon les goûts. Ils sont mis en conserve dans des pots en verre.